568. Ce fut l’année de naissance de Frode, quelques jours avant le solstice d’été. Il n’est pas très au fait de la date exacte à laquelle il est né, mais ne s’en embarrasse pas plus que ça. Sa mère est décédée quelques jours après sa naissance, et il n’a que peu de souvenirs de son début de vie. Enfant unique, il passa somme toute une bonne partie de son début de vie à virevolter dans des maisons qui n’étaient pas siennes et dans une taverne, alors que son père était sur les routes commerciales à faire ses affaires. Il était une chose de savoir faire son travail, mais il en était une autre de savoir en changer.

« Mon enfance ? Je ne me souvient pas de mon enfance. Je n'en ait peut-être pas eu. »

Finalement, en l’an 582, après une longue absence et un moment peu agréable de maladie, Frode se fit à l’idée que son père ne rentrerait pas et qu’il était désormais le seul de sa famille, dont pas grand monde ne connaissait le nom. Sa vie n’était cependant pas très mauvaise, comparée à d’autres. Il avait un toit au-dessus de sa tête, un cercle social plutôt large composé principalement de clients à la taverne du coin, le Fiellon Paresseux.

« J'aurai adoré avoir un batonnet de poisson à offrir. Malheureusement, je n'en avais même pas à manger. »

S’il avait été possible que feux ses parents aient eu dans l’idée d’en faire un futur alchimiste, ce que Frode ne faisait que soupçonner en lisant les notes et messages écrits par ses parents, il n’emprunta absolument pas ce chemin. Au contraire, il commença à intéresser le tavernier de plus en plus par sa bonne mémoire, son bon sens et sa manie à tisser des liens entre des personnes d’intérêt, qui entreprit d’en faire une éducation un peu solide. Une fois qu’il eût atteint un âge décent, il ouvrit sa propre échoppe de revente, aidé par quelques habitués de la taverne. Mais si le jeune homme était bon marchand, ce n’était jamais en étant derrière son comptoir. Au contraire, ce qui aurai dû devenir une échoppe chaleureuse, accueillante et même mystérieuse était bien assez rapidement devenue un entrepôt où Frode ne mettait qu’à peine les pieds, y faisant entrer ou sortir des caisses selon des commandes qu’il allait passer dans tous les endroits possibles et imaginables.

« Les pieds servent à marcher. Les mains servent à frapper. Ou à serrer la main. Ou à saluer. Parfois à applaudir. »

C’était finalement ce qu’il savait le mieux faire. Discuter, bavasser, bavarder, chicaner, converser, dialoguer, parler, et un peu négocier aussi. Si la guilde des voleurs l’a approché à un moment, ce fut cependant la guilde des marchands qui lui fit la meilleure offre. Mais son code moral l’emportait également un peu plus que son sens du profit. La vie professionnelle de Frode, au bout du compte, tourne principalement autour de l’idée de rendre des services. Par la suite, le jeune homme gagnât en notoriété à la suite de juteuses transactions, menées initialement sur les quais de l’avant post de Hjarta ou dans ses tavernes, mais au gré du temps ses affaires se déplacèrent, et son commerce de détail prit de l’ampleur. Au fil des ans, son commerce prit de l’ampleur et il commençât à lui-même embaucher des hommes et des femmes de Bjǫrn puis à ouvrir davantage d’échoppes.

« Je me moque de la politique. En vérité, je pense que tout le monde est mon allié.»

A présent, une bonne douzaine d’année après avoir pleinement décollé, Frode avait atteint ce qu’il estima être un joli sommet. Désormais à la tête de la guilde des marchands, principalement grâce à son haut-fait d’avoir ouvert une route commerciale sure avec le continent pour y échanger des épices contre un concentré du savoir-faire alchimique local, mais aussi en serrant les bonnes mains. Pour la suite… eh bien, il y a bien ce commerce d’épées qui ne décolle pas. Ou bien la politique. C’est amusant, la politique, ces nobles un peu trop crispés à leurs perchoirs, comme des corbeaux qui contemplent sans trop comprendre ce qu’il se passe à leurs pieds. Peut-être que Q'iam ira les déranger quelque peu, qui sait