Une très légère neige commençait à tomber quand ils firent route vers les tumuli. Les flocons étaient petits, compacts et venaient s’affaisser sur les vieilles couches de neige qui avaient commencé à fondre, surplombant les maisons-fosses. Jarða ne ressemblait à rien à la surface ; juste quelques bâtiments étaient perceptibles à vue d’œil, gris, noir et d’un sombre marron, certainement pas bâtis pour des raisons esthétiques. Rien n’était beau à Snákr ; rien, sauf la neige.
La Mort Chantante était amarrée en ville et attendait d’être réparée suite à un abordage assez violent. Cela faisait déjà trois semaines qu’ils attendaient la fin des travaux, mais le charpentier Olafson avait expliqué à Amalrik que Jarða était en rupture du bois qu’ils nécessitaient, et qu’ils attendaient par conséquent la prochaine livraison. En attendant, le capitaine avait essayé de se satisfaire de la compagnie de ses fils. Cependant, fidèle à ses mauvaises habitudes en tant que père, il s’était vite lassé de ses régulières disputes avec son aîné, ce qui l’avait poussé à trouver refuge dans la taverne d’à côté résultant en plus d’une soirée bien arrosée et quelques bagarres à la Snákrson. Lors d’une de ces soirées il eut la chance - bien que ses fautes en tant que père méritaient le contraire - d’apprendre que le Höfdingi venait d’annoncer qu’il offrait soixante-dix pièces d’or à ceux qui arrêteront quels que soient les monstres qui perturbaient la paix de pauvres Snákrson. Lui et ses hommes s’étaient donc immédiatement mis en route, voulant prendre avantage du fait qu’ils avaient déjà eu vent de la mission donnée par Harding. Quand le reste de Snákr entendra parler de cette récompense, une profusion de guerriers risquait d’émigrer vers les tombeaux, et non par respect ou par piété.
Les tumuli qui avaient été touchés se trouvaient près du Golfe de Hjörvarr. La route était longue, soit plus d’une demi-journée de marche à d’abord longer L’Olb, puis continuer vers l’Ouest jusqu’à atteindre l’extrémité Sud du Bras de Vatn, avant de s’enfoncer dans la brèche entre les plateaux qui finissaient par s’évanouir sur la plage encadrant Hjörvarr. Ils avaient décidé de diviser leur voyage en deux jours afin de ne pas atteindre les tumuli, exténués. Qui sait ce qui les attendait là-bas, et Amalrik n’était pas du genre à prendre d’inutiles risques…
Ils étaient six : Finn le Second, Gudmund et Ottomars - les guerriers les plus aguerris de la Mort Chantante, Olaf Hafbergson et Rorik Evaldson - les rameurs, et enfin Amalrik, le capitaine de cette troupe de fripouilles. Il avait été prêt à n’emmener que Gudmund et Ottomars, mais Finn avait insisté, disant qu’il s’ennuyait à mourir, bien qu’Amalrik savait que la présence d’Ottomars avait instigué l’orgueil du Second qui ne pouvait laisser la mascotte de bord faire aventure sans lui. Quant aux pauvres rameurs, Amalrik avait décidé d’emmener des gens qui puissent simplement servir de mule.
Il laissa échapper un profond soupir à la pensée de ses hommes. Toujours à m’occuper de tout le monde comme s’il s’agissait de mes propres fils…
« Ça va Rik ? 
_Je pensais juste à combien j’apprécie d’être entouré de vous tous. 
_Vraiment ? La voix de Finn était un chouïa incrédule.
_Non. Répondit Amalrik d’une voix sèche, mais avec une grimace plaquée aux lèvres.
_Très drôle. Le Second lui assena un coup de coude amicale.
_Dis Finn, lança le capitaine d’un ton qui encourageait la confidentialité, je prends un risque en me trimbalant Ottomars étant donné que nous venons juste de le recruter, alors garde un œil sur lui quand je tourne le dos.
_Ça marche. »Le froid s’endurcit le plus ils s’éloignaient de Jarða. Finn rêvait déjà d’hydromelle gazouillant au fond de son estomac. Il n’avait jamais porté Snákr dans son cœur, préférant un drakkar sous les pieds et la mer à l’horizon. Les marins continuèrent à escalader les rocher escarpés, se ralentissant le plus ils avançaient. Bien que Finn entendait l’éventuelle plainte venir briser le silence, les hommes savaient se la fermer lorsqu’il était question de soixante-dix pièces d’or ; un butin qui ferait couler la salive de n’importe quel Snákrson.
Amalrik leva soudainement la main pour qu’ils s’arrêtent.
« Qu’est-ce que c’est ? Demanda Finn.
_Si je ne me trompe pas on devrait commencer à faire route vers L’Ouest à présent.
_On n’est pas sûr Capitaine ? Vos sens de l’orientation semblent un peu engourdis. La remarque d’Ottomars résonnait avec impudence.
_Comme c’est Espen qui s’en occupe d’habitude, je préfère m’assurer que nous allons dans la bonne direction, et contrairement à certaines personnes, je suis du genre à peser mes mots au cas où quelqu’un veuille me couper la langue. »
Le capitaine pointa discrètement sa hache de l’index ; une menace que les hommes de La Mort Chantante savaient être bénigne, mais qui portait tout de même assez allusion au fait qu’Amalrik perdait patience pour comprendre qu’il n’était pas temps pour les plaisanteries.
« Nous avons pris un peu de retard parce que vous rampez tous comme des trolls, du coup on va monter un camp un peu plus au Sud du Bras de Vatn. Ça nous obligera à couvrir plus de distance demain, mais je préfère ne pas parcourir cette région pendant la nuit au cas qu’on se fasse dévorer par une troupe de noyeurs.
_On peut leur donner Gudmund pour qu’ils s’étouffent en le bouffant. »
Lança Finn. Gudmund n’offrit qu’un grognement en guise de réponse, mais la remarque fit rire le reste des marins.
Ils se mirent en route sans plus de cérémonie ; le soleil déjà prêt à se laisser engouffrer par les rochers aiguisés de Snákr. Leur petit feu de camp crépitait au son du coulis de l’eau. Il faisait assez chaud pour que la rivière se soit dégelée, mais pas assez pour qu’ils puissent passer une nuit sous les étoiles. Olaf et Rorik avaient par conséquent monté deux tentes que les marins allaient se partager. Douillet et intime, comme je l’aime... songea Amalrik, peu enclin à dormir auprès des ronflements d’autres Snákrson, sans le bruit de mer pour les étouffer.
Ils s’étaient tous réunis autour du feu, se réchauffant tout en dégustant les lapins que Finn et Gudmund étaient parvenus à attraper. Une chouette hululait dans les environs alors que les hommes échangeaient quelques plaintes à propos du froid, personne ne semblait heureux à l’idée de passer la nuit ici.
« ... Au moins il ne fait plus aussi froid qu’en Fyrstr, dit Rorik, échangeant quelques banalités.
_C’est vrai, j’ai entendu dire que cet hiver était l’un des plus frileux depuis Harding.
_Je me demande souvent pourquoi nos ancêtres ont décidé de continuer à vivre sur une île aussi hostile que celle-ci. La voix du Second était pensive.
_On n’est pas tous aussi sentimentaux que toi, Finn.
_Un jour ta langue te trahira, Otto.
_Probablement, mais elle sera trempée dans l’hydromelle et perdue dans la bouche d’une belle et douce Bjǫrndóttir. La remarque du guerrier lui valut une huée d’approbation de la part de ses camarades.
_Incorrigible. » renchérit Rorik, hilare.
Finn ravala son orgueil et laissa Ottomars savouré sa victoire en silence. De son côté, Amalrik savait se retenir de telles discussions depuis qu’il était capitaine...
« Temps pour moi de me reposer. Gudmund tu te charges de la première garde, et Otto tu prendras la relève. »
La perspective de devoir se lever en pleine nuit ne sembla pas plaire à ce dernier, mais il se retint de renchérir, ayant appris la leçon qu’il ne valait mieux pas contrarié son capitaine. Amalrik entra donc dans l’une des deux tentes, mais avant de se coucher il songea aux probables responsables de la profanation des tumuli. Il avait quelques théories, l’une d’entre elles était particulièrement plausible mais ne l’enchantait guère, et il se résolut à ne plus y penser pour s’engouffrer dans un profond sommeil.


Le Bras de Vatn se mourait à la même allure que les plateaux qui encadraient les environs. Au bout de plusieurs heures de marche, le sol commençait à s’assombrir, parsemé de grains de sable noir. Ils approchaient de Hjörvarr.
Les tumuli en question se trouvaient dans la partie Nord longeant le golfe. Amalrik et se hommes de l’atteignirent qu’en fin d’après-midi. Le capitaine n’y était allé qu’une fois auparavant pour l’enterrement de sa mère. Le souvenir brulait encore avec amertume. C’était sans doute ce qui donnait au capitaine l’envie de repartir immédiatement ; ou peut-être qu’il s’agissait simplement de l’atmosphère particulièrement lugubre qui envahissait les lieux. La journée se mourait déjà, engloutie par une épaisse couche de nuages, donnant au ciel une qualité presque translucide. La lumière était blanche, trop blanche, comme si elle tentait de se frayer un chemin à travers un plafond de verre couvert d’une épaisse poussière. Cela ne faisait qu’empirer le froid qui engourdissait leurs sens. Amalrik tenta de s’étirer les doigts mais sentait ses articulations enflées résister au geste. Il se mit à souffler contre ses poings afin de les réchauffer un minimum.
« Selon les rapports, la plupart des tumuli touchés sont là-bas. » le capitaine pointa du doigt la direction en question.
La troupe ne fit que quelques pas avant d’atteindre leur destination finale. Au pied d’un monticule s’élevaient quelques tumuli couverts d’un duvet de verdure et entourés d’un mélange de terre et de sable noir. Deux gigantesques saules aux branches gelées juchaient au-dessus des tombeaux ; leurs formes évoquant des silhouettes spectrales d’une trentaine de mètres de haut. Le crépuscule allumait leur manteaux de glace, leur accordant une lueur incandescente ; des arbres morts réanimés pour une seconde éphémère avant que le pâle soleil ne se fasse dévorer par la nuit.
Leurs première impression des lieux fut résumée par les jurons de Gudmund, crachant et grognant d’indignation. En effet, contrairement aux autres tombeaux, ceux-ci avait été profanés : de larges tunnels les perforaient, et au centre, rien que du vide.
« Vatn fera payer ces salopards ! » hurla Gudmund, particulièrement croyant. La remarque fit un peu trop de bruit, mais les autres marins savaient qu’il s’agissait d’une entreprise perdue d’avance que d’essayer de calmer le guerrier revêche.
Amalrik nourrit une pensée macabre - et si ma mère y avait été enterrée ? Le sentiment ne persista guère, après tout il n’avait aucun moyen de s’en souvenir.
Soudain, un gros CRAC !
Une volée de corbeaux s’enfuit dans les airs.
Finn lâcha un juron, pris par surprise.
« Des corbeaux mhm… De quoi donner le frisson. Annonça Ottomars d’un ton sarcastique.
_Observation pertinente Otto, merci. Répliqua le Second, sa patience rudement mise à l’épreuve.
_Le soleil va bientôt se coucher. Je propose qu’on se prépare quelques torches avant d’examiner les environs. Rorik, Olaf, vous avez le matériel. Otto tu peux nous préparer un petit feu.
_Oui capitaine. » Les rameurs posèrent leurs sacs. Chacun en sortit deux torches et un pot de graisse. De son côté, Ottomars s’empara d’une poignée de branches sèches qu’ils avaient gardées pour le voyage et deux silex. Quand il parvint enfin à démarrer un petit feu, Rorik et Olaf trempèrent chaque torche dans la graisse, puis pointèrent les têtes de celles-ci dans les flammes. Enfin, Gudmund, Ottomars, Finn et Amalrik s’emparèrent chacun d’une torche.
« Gudmund, Rorik, allez examiner les tumuli de gauche, Olaf et Ottomars vous prenez ceux de droite. Finn tu viens avec moi. On cherche quoi qu’il y ait d’anormal ou d’inhabituel. Ne plongez pas dans le danger sans réfléchir. Si vous entendez ou voyez quelque chose, revenez ici et appelez le reste du groupe. » Les hommes acquiescèrent, avant de se diviser en groupes pour exécuter leurs ordres.
Finn et Amalrik s’avancèrent vers les tumuli en face d’eux. Il faisait presque nuit. À l’exception du lointain grondement d’Hjörvarr et des stridulations du vent, il régnait un silence troublant. Les flammes de sa torche embrassaient le visage du capitaine avec chaleur. Une petite réconciliation au vu du temps cruel. Quand les deux hommes atteignirent le premier tumulus, Amalrik approcha sa torche d’un des trous qui le transperçait.
« Quelqu’un ou quelque chose s’est creusé ce chemin à l’aide de ses mains, constata-t-il.
_Griffes plutôt. Regarde ces marques ici, Finn pointa du doigt les longs traits éraflant la terre, elles sont si profondes qu’on dirait que quelqu’un les a tranché avec un couteau.
_C’est pas bon signe.
_Des goules peut-être ?
_Non, les goules ne s’intéressent qu’à la nourriture. Je doute que nos cadavres fassent partie de leur régime. J’ai peur qu’il s’agisse de quelque chose de bien pire. »
Soudain, un bruit inidentifiable retentit, provenant de ce qui ressemblait à une cave creusée au sein de la colline qui entourait les tumuli.
« Qu’est-ce que c’est ? murmura Finn.
_Tiens, prends ma torche, j’vais voir. »
Amalrik tendit sa torche au Second. Mieux valait marcher dans la pénombre pour ne pas se faire détecter. Il avança, sa main sur la poignée de sa hache, prêt à attaquer.

Une odeur putride se dégageait de la cave. Le plus il avançait, le plus il sentait ses narines s’indigner face à cette puanteur moisie. Amalrik couvrit son visage de son droit bras dans un futile effort de freiner la pestilence.
« Rik, tu vois quelque chose ? La voix de Finn mourut dans un écho.
_Rien, mais ça pue.
_On devrait peut-être appeler les autres. La voix du second semblait inquiète.
_Attends, je vais juste vérifier s’il y a vraiment quelque chose. » Finn ne répondit qu’avec un silence désapprobateur.
Mieux valait jeter un coup d’oeil pour être certain de ne pas faire appel à ses hommes pour un rien. Un pas après l’autre, il tentait de faire aussi peu de bruit que possible. La lumière se mourait le plus il s’engouffrait dans l’antre fétide. Il pouvait entendre de légers frottements, comme si quelque chose rampait. Un serpent ? Le reste n’était que silence à l’exception de l’occasionnel grincement produit par le sable sous ses bottes. Soudain, une voix stridente se mit à hurler ; une plainte inhumaine. Avant qu’Amalrik ne puisse réagir, il sentit une main agripper son bras. Il balança sa hache pour se défendre, mais elle ne trancha que du vent, puis se fit attirer au sol. Amalrik était sur le point de riposter à l’aide d’un second coup quand il reconnut que son assaillant ne lui voulait aucun mal.
« Chhhht ! Calmez-vous ! C’est une Guenaude ! Elle est juste là ! Pas un bruit ! »
Il faisait trop sombre dans le coin où les deux hommes avaient pris refuge pour qu’ils puissent se discerner, mais la voix qui venait de le réprimander lui semblait terriblement familière. Amalrik n’eut toutefois ni le temps ni l’occasion de s’occuper davantage de l’identité de son interlocuteur.
« Mes soupçons étaient corrects, murmura le capitaine, il s’agit bien d’une Guenaude. »
Par curiosité il leva la tête depuis leur cachette pour entrevoir la créature : au fond de la cave bougeait une silhouette fantomatique, le corps décharné, le dos difforme et les bras trop longs. Ses mouvements semblaient frénétiques, comme si elle paniquait.
« Il faut partir d’ici au plus vite ! Elle doit être en train de me chercher.
_Mes hommes sont en train d’enquêter les tumuli. Si on part en courant on peut vite les rejoindre pour nous déf...
_Rik !? Rik tu m’entends ?! » l’appel du Second les interrompit, submergeant la grotte.
La résonance attira immédiatement l’attention de la Guenaude, qui se mit aussitôt à se mouvoir en direction de la sortie.
« Merde, trop tard. Aller, vite ! »
Sans plus attendre Amalrik se mit à courir vers l’issue. Leur fuite suscita un autre mugissement assourdissant de la créature. Il pouvait la sentir se déplacer à leurs trousses, la puanteur s’accentuant avec chaque battement de coeur.
« Capitaine, qu’est-ce qui...
_Finn dégage !! »
Sans tarder, le Second s’écarta de l’entrée de la grotte. L’instant d’après, Amalrik et son sauveur émergèrent en courant.
« Finn, vite, passe moi une torche ! »
Il lui balança l’objet en question. Amalrik l’attrapa au vol. Au même moment, la bête jaillit de son antre, épouvantable et défigurée. Son corps pourri menaçait de se décomposer ; on pouvait voir sa peau grise peler autour de ses côtes et suinter un liquide lymphatique. Ses yeux ensanglantés manquaient de pupilles, ses dents aiguisées promettaient de déchirer ses adversaires en mille morceaux et ses mains étaient munies de longues griffes noircies par la crasse. Le tout était accompagné d’une odeur presque reptilienne mélangée à une puanteur fuligineuse.
En apercevant trois individus au devant de son territoire, la créature émit à nouveau un mugissement. Sans attendre Amalrik se mit à l’attaque, brandissant une torche et - tant bien que mal - sa hache de guerre avec une seule main.

Lancer de dés #1 :
Réussite : Amalrik lance la torche dans la figure de la Guenaude ce qui l’aveugle temporairement.
Echec : Amalrik rate.

Lancer de dés #2 (si lancé #1 est une réussite) :
Réussite : Amalrik assène un coup de hache à la créature, la repoussant dans la grotte.
Echec : Amalrik rate.

Lancer de dés #3 (si lancé #1 est un échec) :
Réussite : Amalrik évite le coup que la Guenaude lui envoie en réponse.
Echec : Amalrik se prend un puissant coup.

D’un puissant mouvement de bras, le capitaine de la Mort Chantante lança sa torche vers la créature. La flamme alluma le ciel pendant un instant avant de venir se planter dans le visage grotesque de la Guenaude. Elle émit à nouveau un hurlement strident, mais cette fois-ci ce fut une plainte de douleur. Bien que cette première attaque ne fit que brièvement l’aveugler, Amalrik en profita pour la repousser davantage. Il s’empara de son arme à l’aide de ses deux mains, puis courut vers le monstre, l’air intrépide et déterminé. Au moment où la Guenaude se remettait de ses brulures superficielles, le Snákrson était déjà sur elle, brandissant sa hache. La lame de coeur d’orage luisit pendant un court instant, le turquoise vitreux reflétant face au croissant de lune opalin. Ce fut assez pour effrayer l’atroce créature qui prit aussitôt la fuite, mais avant qu’elle ne parvienne à prendre refuge dans sa caverne, l’arme trancha légèrement sa chaire putride au niveau de la jambe.
Les hommes observèrent comment la Guenaude disparut en boitant dans la pénombre. Amalrik haletait avec vigueur. Il n’avait pas eu si peur depuis très longtemps... Il prit appuie sur ses genoux tout en prenant de profondes inspirations.
« Rik ? Rik, ça va ? »
Le capitaine répondit d’un signe de la main. Il avait juste besoin de se calmer. Enfin son regard se posa sur la mystérieuse personne qui l’avait sauvé dans la cave.
« Logan ?! S’exclama-t-il, incrédule. Par Vatn, qu’est-ce que tu fous ici ?! »

Le rêve de soixante-dix pièces d’or s’écroula subitement. La perspective de devoir partager la prime ne plaisait guère au capitaine et connaissant ses hommes, ils penseront probablement à comment se débarrasser de leur nouveau compagnon. Cela allait certainement poser plusieurs problèmes... Peu importe, Logan était quelqu’un dont Amalrik appréciait la compagnie et il ne comptait pas poignarder le jeune homme dans le dos.
Le Snákrson reprenait toujours son souffle quand Logan revint avec son épée. Bien qu’il était parvenu à la repousser, la Guenaude lui avait vraiment foutu les jetons. Plus d’un homme sur Snákr connaissait les histoires d’horreur accompagnant cette abomination qui hantait leurs cauchemars d’enfance. Le cuisant souvenir de sa physionomie pourrie était assez pour lui retourner l’estomac...
Enfin, Amalrik acquiesça en entendant le plan de Logan. Le jeune homme avait raison. S’ils attendaient trop longtemps ils perdront la mainmise et ils pourront dire au revoir à leur prime.
« Nous allons par contre devoir attendre que mes hommes nous rejoignent. Ils ne devraient pas tarder s’ils ont entendu les hurlements de la Guenaude. »
À peine avait-il terminé sa phrase qu’Ottomars et Olaf arrivèrent en courant. L’inquiétude gravée sur le visage du guerrier mourut dès qu’il vit ses supérieurs.
« On a entendu des cris aigus, puis on s’est empressé de venir ici. Il prit une pause pour reprendre son souffle, Qu’est-ce qui s’est passé ?
_On a tous intérêt à se préparer parcequ’on a affaire à une Guenaude.
_Une Guenaude ? Mais... vous vous en êtes sortis comment ? La voix d’Olaf tremblait de crainte.
_C’est qui lui ? Ottomars posa la question avec une touche d’antagonisme.
_Logan Skall, Ottomars Haraldson ; Ottomars Haraldson, Logan Skall. Amalrik présenta les deux hommes d’un geste de la main qui se voulait sarcastique, La Mort Chantante fait commerce avec Logan depuis plusieurs mois. C’est un accord de gentilhomme dont chaque parti bénéficie grandement. Le capitaine se tourna vers Logan, Ottomars est le plus récent ajout à notre équipage. »
La remarque était surtout destinée à justifier l’impétuosité du guerrier. Amalrik avait perçu la soudaine réticence de ce dernier face à l’arrivée du Gamallien. Un Gamallien comptait voler leur butin ? Ils n’avaient pas besoin de l’aide d’un inconnu pour arriver à leurs fins, et d’un poltron en plus de cela ! C’était gravé sur sa figure : il prendra la fuite à la première occasion, puis tirera pleinement avantage de leurs exploits en réclamant sa part de la prime. En tant que combattant aguerri, Ottomars avait rejoint la Mort Chantante dû au fait que celle-ci avait une réputation d’exploits et de fortune. Amalrik allait-il vraiment laisser ce bon à rien piquer leur or ? Qu’en avait-il à faire du fait qu’ils fassent affaire depuis plusieurs mois ? Les marchands vont et viennent. Il devra s’assurer que celui-ci aille bien loin si le capitaine décidait de ne pas imposer sa loi...
« Nous devrions attendre que Gudmund et Rorik reviennent avant d’exécuter un quelconque plan. annonça Finn.
_Ils ne devraient pas tarder à nous rejoindre, les hurlements de la Guenaude sont difficiles à manquer... »
Une distante voix retentit un peu à l’Est.
« Capitaine ! »
Ottomars se retourna. Une flamme dansait dans la pénombre, illuminant vaguement la silhouette du stoïque Gudmund et de l’excitable Rorik.
« Capitaine !! »
Le cri résonnait avec force, son intensité portée par le vent du golfe.
« Ferme la Rorik ! Tu veux attirer tous les monstres des environs ? »
Ironiquement, la réprimande d’Ottomars fut aussi assourdissante que l’appel du rameur. Ils attendirent l’arrivée des deux hommes. Gudmund, toujours aussi impassible, plaqua son regard de glace sur l’intrus du groupe.
« Logan est également ici pour la prime offerte par Harding. »
L’explication de Finn fut accompagnée d’un soupir ennuyé. Gudmund lâcha un petit grognement en guise d’affirmation.
« C’est vrai qu’il s’agit d’une Guenaude ?! demanda Rorik, inquiet.
_Comment t’as deviné ? Olaf souligna la question avec surprise.
_Gudmund me disait que c’était le cri d’une Guenaude qui avait retenti plus tôt. Il disait qu’il en avait combattu une il y a très longtemps et qu’elles sont très difficiles à tuer.
_Gudmund a dit tout ça ? Voilà le plus de mots qu’il aura prononcé depuis mon arrivée! Ottomars accompagna sa remarque d’un rire moqueur.
_Comment t’es-tu battu contre une Guenaude Gudmund ? » questionna Amalrik en ignorant la précédente blague, ce qui ne fit qu’irriter Ottomars davantage qui commençait à mépriser l’inattention de son capitaine. Les hommes formaient un demi-cercle à quelques pas de la grotte. Malgré son caractère taciturne et son piètre vocabulaire, Gudmund était quelqu’un sur qui Amalrik savait compter - du moins dans certaines circonstances... Le guerrier prit quelques secondes avant de répondre à son capitaine, plissant les lèvres d’une concentration acharnée derrière son épaisse et pelucheuse barbe.
« C’est dang’reux l’nuit. Faut d’feu. Dix hommes. Coeur d’orage, c’bien. L’intéressé accompagna ses instructions d’un froncement de sourcils redoublé, puis ponctua le tout d’un cracha projeté à ses bottes.
_On est loin d’être dix hommes : Rorik et Olaf savent à peine se battre, ce qui laisse toi, Gudmund, Ottomars, Logan et moi-même. L’inquiétude du Second était d’accoutumance.
_Nous avons fait face à de pire chances auparavant... Amalrik n’était pas prêt à abandonner ces soixante-dix (ou trente-cinq) pièces d’or si facilement, surtout devant autant de membres de son équipage, La plupart d’entre nous sommes des combattants aguerris. Si l’on organise un stratagème comme celui suggéré par Logan, nous aurons certainement l’occasion de tuer cette abomination et de ramener sa tête à Harding. Il pouvait sentir un degré d’hésitation parmi ses hommes, Soit nous repartons pour Jarda les mains vides, soit nous prenons le risque et nous rentrons avec soixante-dix trente-cinq pièces d’or de plus ! Et pour couronner le le tout : Est-ce que j’ai bien affaire à des Snákrson, oui ou non ?! Gudmund fut le premier à répondre en libérant un grave mugissement, suivi par ceux du reste de l’équipage de la Mort Chantante. Amalrik acquiesça discrètement.
« Très bien. Bien heureusement, le monticule où la Guenaude se cache ne me semble à peine plus grand qu’un tumulus. Si c’est bien le cas nous n’aurons pas trop de mal à surveiller ses flancs. D’un autre côté, la blessure que je lui ai infligée n’est que superficielle. Elle sera donc toujours en forme et plus agressive puisqu’elle se sentira en danger. Il leva la tête pour scanner les environs. Il faisait trop noir pour clairement discerner des détails, mais l’on pouvait toujours percevoir les extrémités de l’obscur et inerte demi-cercle qui s’élevait face à eux, soit à une dizaine de mètre chacune. On formera un périmètre autour de la grotte, puis on attendra jusqu’à ce qu’elle tente de s’échapper en se creusant une sortie. Dès que l’un d’entre nous aperçoit l’endroit où elle compte s’enfuir, on appellera le reste du groupe pour la prendre en flagrant délit. Elle sera prise au piège, coincée dans son propre tunnel. Il faudra toutefois que l’un d’entre nous entre dans la grotte pour la forcer à sortir. Je pense que la meilleure option serait que ce soit moi, puisque j’ai déjà été dans la grotte, et puis la Guenaude semble avoir une aversion particulière pour ma hache. Malheureusement il ne nous reste plus que trois torches. J’en prendrai une avec moi et vous devrez vous partager les deux autres.
_Capitaine, je pense qu’il serait mieux d’emmener quelqu’un avec vous. De préférence quelqu’un qui a déjà été dans la grotte. »
Le regard d’Ottomars se posa sur Logan. Il était un peu trop évident que le guerrier cherchait à se débarrasser du Gamallien afin de toucher l’entièreté de la prime. Son attitude présomptueuse n’avait fait que s’agrandir, ce qui ne plaisait guère à Amalrik percevant ce comportement comme insubordonné. Il n’allait toutefois pas réprimander le Snákrson au risque d’aigrir le reste de son équipage en prenant le parti d’un étranger.

La qualité légèrement fluorescente de sa hache n’était pas particulièrement discrète. Il couvrit donc la lame d’un léger bout de tissu, atténuant sa lueur. La discrétion n’était pas son point fort, et cette certitude fut assez pour semer une goutte d’inquiétude chez le marin. Ses bottes écrasaient l’humide terre ; chaque pas mâchant les grains de sable sous les dents de ses semelles. Le silence ne faisait qu’amplifier ces mastications bouseuses qui lui donnaient l’impression de résonner avec fracas entre les parois de la caverne. Amalrik s’appliquait à filtrer sa respiration. Il se sentait comme un ours maladroit s’invitant dans la niche d’une famille de cochards.
Bizarrement, sa première inspection de la caverne ne lui avait pas semblé aussi effrayante... Il n’était pas du genre à se laisser intimider par le danger, mais sachant à présent qu’il s’agissait d’une guenaude ne faisait qu’empirer son angoisse.
Les deux hommes marchaient le long des murs, se placardant contre l’enceinte comme s’ils espéraient se fondre dans le décor. Une noirceur presque opaque englobait la grotte. Bien que Logan pointait la torche vers l’avant, le plus ils s’avançaient, le plus les ombres s’épaississaient. L’humidité était si lourde qu’elle faisait suinter les parois ; ça sentait l’animal. Soudainement, une bouffée d’air moite se mouva vers eux. L’odeur de chair fésandée s’insinua dans leurs narines, acide ; infecte, suivi d’un sourd chuintement qui fit vibrer les murs.
Splouch.
Splouch...
Deux pas dans une petite flaque d’eau provenant de l’arrière d’un rocher à seulement quelques mètres des deux hommes. Ils pouvaient également entendre d’étranges grincements ; pierre contre pierre ; boue contre boue. Logan tapota le bras d’Amalrik pour qu’il s’arrête, puis lui fit signe de contourner le rocher depuis la gauche. Le gamallien déposa délicatement la torche au sol avant d’engager leur plan. Ils se séparèrent en marchant, accroupis, à la même cadence. Un, deux, trois, quatre, cinq... Là ! La Guenaude était accroupie dans un coin, de la terre s’expulsant depuis ses griffes alors qu’elle se creusait un tunnel. Ses mouvements n’étaient peut-être pas rapides, mais chaque poignée de boue agrandissait le trou considérablement. Amalrik se tourna vers Logan pour lui faire signe qu’il allait d’abord l’engager. Avec un peu de chance, elle aura toujours la même aversion pour sa hache. Il s’avança avec précaution, pesant chaque pas afin de n’émettre que silence.

Lancer de dés #1
Réussite: La guenaude n’entend pas Amalrik et ce dernier parvient à la prendre par surprise
Échec : La guenaude remarque Amalrik et l’attaque

Lancer de dés #2 (si lancé #1 est une réussite)
Réussite: La guenaude prend peur et tente de s’enfuir en creusant un tunnel vers la surface.
Échec : La guenaude riposte et contre-attaque

Lancer de dés #3 (si lancé #1 est un échec)
Réussite: Amalrik se fait légèrement blessé mais repousse la guenaude, la forçant à s’enfuir.
Échec : La guenaude blesse grièvement Amalrik

Ses mouvements semblaient être étouffés par les sauvages excavations de la guenaude. Je l’aie. se dit-il. Son coeur se gonfla avant de lever sa hache au-dessus de sa tête. Il osa un plus grand pas vers la créature avant de lancer une quelconque offensive.
Splouch !
Son pied, lourd et maladroit, fit gicler l’une des traitresses flaques.
Telle une vive vipère, la guenaude virevolta. Elle se redressa de toute sa splendeur, sa poitrine osseuse, ses membres efflanqués et son visage n’évoquant qu’un gouffre d’empathie. Elle abaissa son regard reptilien sur le capitaine, offensée par sa présence. Sans plus réfléchir, Amalrik balança son arme de toutes ses forces, visant le torse de la créature. Cette dernière riposta à une vitesse et vigueur surprenantes : elle cogna le haut de la poignée de la hache ce qui interrompit l’élan de cette dernière. Le choc fit basculer l’arme dans la direction inverse, tirant Amalrik en arrière avant que ce dernier ne lâche prise. Le Snákrson perdit l’équilibre puis heurta le sol de son dos. Rien qu’un instant plus tard, la guenaude riposta en se jetant sur lui. Und douleur perçante enflamma son flanc gauche. L’immondice avait plongé ses sordides crocs dans son abdomen pour en déguster la chair.
Amalrik tendit son bras en direction de sa hache, trop loin pour pouvoir s’en emparer. Puis il leva les yeux pour trouver ceux du gamallien.
« Logan ! » Appela-t-il avec détresse.

L’épée de Logan trancha la langue de la guenaude d’un coup sec. Ce qui était censé être un cri se tordit en une plainte visqueuse, assourdie par le sang qui se conglutinait au sein de sa gueule. Logan aida Amalrik à se relever.
« Agrippe-toi à moi. »
Son sauveur ne dû pas le répéter : le capitaine lança son bras gauche autour des épaules du gamallien, puis serra les dents pour ravaler la douleur. Instinctivement il appuya sa main sur la plaie. Sa chaire molle et dentelée bavait à flots ; le sang chaud s’échappant d’entre ses doigts.
Il leva les yeux pour voir où en était la guenaude. Celle-ci vomissait un liquide épais et poisseux, hoquetant avec panique, désemparée par l’absence de sa langue.
« Vite, ma hache. »
Amalrik pointa son arme du doigt. Ils boitèrent quelques pas jusqu’à l’objet en question. Le Snákrson la souleva à l’aide de son bras droit, ce qui fit trainer la lame au sol, détachant le bout de tissu qu’Amalrik avait fixé autour.
Blessée mais encore plus furieuse, la guenaude reprit un semblant de sang-froid. Le son vitreux du métal contre la roche avait de nouveau attiré son attention. Elle s’avançait vers les deux hommes alors que ceux-ci lambinaient vers la sortie.
« On va pas y arriver ! cria Amalrik qui regardait par dessus son épaule pour voir où en était le monstre : la guenaude était toujours à leurs trousses Passe moi la torche. »
Amalrik s’arrêta, obligeant Logan à faire de même. Il s’empara de la torche, puis la tint contre la tête de sa hache. Le coeur d’orage agit comme un filtre, tintant la flamme d’un turquoise lumineux. À peine s’était-il fabriqué son nouvel outil, que la créature les avait déjà rattrapés. Sans plus tarder, Amalrik brandit l’instrument vers la guenaude. Le rayon sarcelle s’abattit sur sa figure. La créature leva un bras afin de protéger ses yeux. Elle émit un chuintement pathétique, puis fit demi-tour, s’évaporant dans la pénombre en boitant.
« Qu’est-ce qu’ils foutent ? à côté de lui, Ottomars n’avait arrêté de se plaindre, mais cette fois sa voix était plus empreinte d’inquiétude que d’ennui.
_Ils sont à deux. Ça devrait suffire pour la forcer à sortir. »
Les mots du Second était davantage destinés à l’apaiser lui-même que ses camarade de bord... Ils auraient déjà dû faire face à la guenaude à l’heure qu’il est. La seule raison pour laquelle il n’était pas entré dans la cave pour offrir des renforts était parce qu’il avait confiance en son capitaine.
Les hommes commençaient à s’impatienter ; la nervosité était palpable.
« Gudmund dit qu’on entrer dans la grotte ! gueula Olaf depuis l’autre côté du monticule.
_Dis à Gudmund que je préfère quand il ferme sa gueule ! »
Finn était bien trop angoissé... Il regretta sa réplique aussitôt ; mieux valait ne pas s’en prendre à l’équipage. Ils étaient tous trop agités.
« Finn !! »
La voix d’Amalrik trancha l’air avec effroi. Tout le monde se tourna dans sa direction.
« Elle arrive, préparez-vous ! »
Logan Skall portait le capitaine qui titubait avec effort, une main ensanglantée pressée sur l’estomac.
« Rik, qu’est-ce... qu’est-ce qui s’est passé ?! choqué par l’état de son ami, le Second bredouillait
_Pas important ! Dis aux hommes qu’elle va... »
Un grondement semblable à celui d’une explosion retentit ; des lopins de terre giclèrent de partout. D’un coup, la guenaude était à l’extérieur. Blessée, la créature était encore plus effrayante : son bras gauche pendait, mou, disloqué, elle bavait un sang noir et épais, et sa jambe meurtrie l’obligeait à se renfrogner sur elle-même tel un épouvantail malmené par le vent. Elle exhala comme un hennissement, enragée par la brutalité dont elle était la victime.
L’apparition de la guenaude le prit par surprise. Un lopin de terre heurta sa figure, le déboussolant légèrement, mais assez pour donner au monstre l’avantage d’une première attaque. La créature leva son bras droit, ses griffes plus longues que ses paumes squelettiques. A peine Ottomars avait-il rouvert les yeux qu’une ombre aiguisée trancha l’air devant lui. Le guerrier n’eut que le temps d’inspirer une dernière fois avant de percuter le sol, glacé et insensible.
« Tiens, prends ma hache ! »
Amalrik lança l’arme à Finn qui la rattrapa au vol. Sans perdre un instant, le Second courut en direction de la guenaude. Profitant de l’attention qu’elle venait de porter à Ottomars, il brandit la hache de ses deux mains puis la projeta de toute ses forces vers la créature.

Lancer de dés #1
Réussite : La hache vient se planter dans le dos de la guenaude.
Echec : Finn rate son lancer.

La hache vola à peine trois mètres, avant de venir se planter dans le dos de la guenaude. L’impact produit un son abrupt. Le poids de l’arme la poussa vers l’avant. Elle tituba, mais resta silencieuse, apparemment médusée par le choc. Enfin, la tête de la hache s’extirpa de sa chair, puis tomba au sol. La plaie s’inonda de sang.
La créature finit par se retourner vers son assaillant. Elle hennit à nouveau, tel un poulain invalide.

Spoiler:

Avec l’aide de Gudmund, ils déposèrent Ottomars contre l’un des deux saules juchant au-dessus d’eux. Ce n’était pas beau à voir : la guenaude l’avait tranché le long du torse. L’entaille était profonde et nette, mais semblait déjà s’infecter de la souille qui contaminait les griffes de la créature. Il était inconscient et son pouls semblait s’affaiblir.
Finn s’empressa de déchirer un bout de la tunique qu’il portait sous sa brigandine, puis serra le lambeau autour de la taille du guerrier de façon à agglutiner un minimum les deux extrémités de la blessure.
« Reste auprès de lui, dit-il à Gudmund, s’il se réveille, empêche le de bouger. »
Comme à son habitude, le guerrier revêche émit un grognement en guise de réponse. Finn se redressa, puis rejoignit son capitaine.
Le capitaine de la Mort Chantante expulsa toute son angoisse dans un soupir soulagé. Le monstre n’était plus. Il avait observé avec satisfaction comment Finn et Logan terrassèrent l’immondice. Les cauchemars Snákrson se dissipèrent au moment où elle s’effondra au sol, sans vie. Le cauchemar d’Amalrik toutefois ne fit que commencer...
Assis sur son rocher, le marin tentait tant bien que mal de ne pas s’effondrer. L’épuisement alourdissait ses paupières, mais il savait pertinemment que fermer les yeux ne le ferait que perdre conscience. La voix de Logan s’atténuait en oscillant.
« Très bien... Partons tout de suite. Ottomars a immédiatement besoin de soins. »
Mieux valait ne pas avouer qu’il allait plus mal qu’il en avait l’air, après tout il était plutôt du genre à garder sa douleur secrète, tel un enfant penaud.
Logan interrompit soudainement les planifications :
« Au fait, question un peu bizarre mais... Personne n'aurait des flacons en verre? Histoire de récolter un peu de sang de cette guenaude...
_J’ai p’t’être quelque chose. » lança Rorik tout en ouvrant son sac-à-dos.

Lancer de dés de récolte : Réussite

« Voilà ! »
Fier, il brandit une vieille bouteille d’hydromel, puis s’empressa de siphonner le sang de la guenaude. Amalrik n’était pas particulièrement ravi du comportement du gamallien, mais n’osait lui reprocher quoique ce soit après que celui-ci lui ait sauvé la vie.
Rorik ne tarda pas d’achever sa tâche, puis tendit la bouteille à Logan, satisfait de lui-même.
« Olaf, Rorik, interrompit Amalrik tout en prenant une brève pause pour reprendre son souffle, coupez la tête de la guenaude. On en aura probablement besoin pour réclamer notre prime. Les deux rameurs se regardèrent, soudainement trop anxieux à l’idée de décapiter la créature.
_Vous... vous êtes sûr capitaine ?
_Quoi ? Vous avez peur qu’elle revienne à la vie ? Aller, dépêchez-vous où vous serez à la traîne. »
Les visages des deux hommes se froissèrent de mécontentement, et Amalrik les laissa pondérer la lugubre besogne.
Ils avaient pris du retard en débattant à qui reviendra l’honneur de trancher le cou de la guenaude. Rorik avait évidemment perdu... Après avoir conclu leur labeur, ils avaient emballé la tête de la guenaude dans un vieux tissu, puis Rorik avait attaché le paquet entre deux chaussettes désuètes qu’il avait par la suite fixé à son sac-à-dos. Le ballot ensanglanté pendait dans son dos, oscillant à la cadence de leur marche et menaçant de revenir à la vie.
« Dis, Rorik, tu sais si on va toucher un bout de la prime ? Le rameur fut heureux qu’Olaf interrompit ses songes morbides.
_J’crois avoir compris qu’le capitaine comptais nous donner quelques pièces, ouais... cette déclaration fut teintée d’une once de doute qu’il avait du mal à cacher
_J’espère... Surtout après nous avoir obligé à décapiter ce monstre. Rorik n’avait pas l’habitude de jaser au sujet du capitaine ; Olaf d’un autre côté semblait enclin au bavardage, Ottomars m’a dit que le gamallien prendra la moitié de la prime. Si il prend la moitié, et ben... on ne touchera que la moitié de notre moitié. »
Rorik n’avait jamais été fort avec les chiffres, mais l’attestation de son camarade lui semblait correcte. Il médita sur la question davantage avant d’acquiescer d’un hochement de tête.
« P’tête qu’il a laissé la guenaude attaquer Otto ! »
Sa conclusion résonna telle une exclamation enfantine. Les deux rameurs avaient été de l’autre côté du monticule et n’avaient évidemment pas témoigné de la scène. Qu’il était facile d’inculper la responsabilité à l’exclus du groupe !
Rorik fronça les sourcils, convaincu à présent que Logan avait un plan ultérieur. Il se trainait, là, auprès du capitaine à moins d’une lieue devant eux, leurs silhouettes assombries par la brume.
Ils marchaient aussi vite que possible... Pour dire vrai, ils marchaient à peine, mais se trainaient telle une troupe de limaces... Gudmund portait Ottomars sur son dos alors que Finn et Logan maintenaient Amalrik avec difficulté. Etait-ce la fatigue, ou le capitaine devenait-il de plus en plus lourd ? Le Second sentait la sueur froide lui perler du front. Le soleil n’était pas prêt de se lever, et l’air se faisait d’autant plus glaciale. Le village était plus loin que prévu. Ils longeaient le Golfe de Hjörvarr depuis plus d’une heure. Ils se battaient contre le souffle de la mer, froid et impétueux. Le vent mordait leurs visages renfrognés. Une légère pluie avait commencé à leur cracher à la gueule. Finn laissa échapper un juron ; il détestait la pluie.
Le poids du capitaine devenait insupportable.
« Par Vatn, Rik, fait un effort. On y est presque. »
Il ne sut si il l’entendit ; ses mots furent peut-être engloutis par le grondement des vagues... puis, d’un coup, le corps d’Amalrik perdit l’équilibre, son poids s’effondra brusquement sur les épaules de Finn et de Logan. Le capitaine de la Mort Chantante s’affaissa sur le sol, tirant avec lui son Second. Le visage de Finn vint heurter le sable. Il se releva tant bien que mal puis secoua le corps inerte d’Amalrik.
« Rik ?! »
Il posa son oreille sur le torse du Snákrson ; son coeur battait toujours.
« Il a perdu conscience... »
L’affirmation fut à la fois soulagée et ennuyé. Il s’assit sur la plage pendant un court instant afin de reprendre son souffle.
« On le portera à tour de rôle, dit-il en s’adressant à Logan, Je vais prendre la relève. »

Une lueur chaleureuse lui chatouillait le visage, le grondement de la mer et les hurlements du vent l’avaient abandonner ; était-il en train de rêver ? Puis une douleur soudaine lui mordit l’estomac, comme un feu consumant sa chair, suivie d’un mal vif et perçant. Il ouvrit subitement les yeux. D’un réflexe il tenta de se relever, mais une paire de mains le retint sur une table en bois. Il pouvait à peine bouger. Puis il leva la tête pour identifier l’origine de sa souffrance : au dessus de son ventre déchiqueté de trouvait un vieil homme chauve, aux yeux fatigués et à la barbe poussiéreuse. Il tenait une aiguille tremblant entre ses doigts osseux, qu’il plongea à nouveau dans la chair du Snákrson.
Amalrik gémit, essayant de se libérer de l’emprise de Gudmund.
« Arrête de te plaindre veux-tu ? Finn se tenait à côté du vieil homme comme pour superviser son travail, Monsieur...
_Drumbison compléta le vieillard d’une voix bredouillante.
_Monsieur Drumbison a eu la gentillesse de nous accueillir et d’offrir de te recoudre.
_Que Vatn m’aide... se plaignit le capitaine.
_Veuillez l’immobiliser ! Il bouge beaucoup trop ce bougre. »
Gudmund grogna en guise de réponse.
Amalrik sentit l’aiguille se creuser à travers sa peau. Il serra les dents afin d’emprisonner un autre gémissement.
« Ottomars ? demanda-t-il en haletant.
_Toujours inconscient. Drumbison a déjà fait ce qu’il pouvait. Il faudra qu’on parte pour Jarda à la première lueur du jour. Le Second avait l’air inquiet.
_Sigrid... La cruelle aiguille l’interrompit à nouveau.
_Quoi ?
_Trouve Sigrid Hakondóttir, l’herboriste. Amalrik n’était pas d’humeur à expliquer de qui il s’agissait, après tout, la dextérité de Drumbison n’était pas des plus habiles.
_Logan tu sais de qui il parle par hasard ? » questionna Finn, dirigeant son attention vers le gamallien afin d’épargner son capitaine.

Spoiler: